Inventaire du fond de mon lit, un jour de crise inflammatoire

CHOSES ÉLÉGANTES

Les mot surannés que j’aime tellement utiliser, tel que « désuet ». Mon père qui porte un duffel-coat en automne. La dame du Grenier d’Elvire. Les chaussures de Pierre Pevel. Le parfum du muguet qui me rappelle ma mamie. Les salles de bains pures. Les belles phrases dans les livres. Écrire au stylo. L’écriture de ma grand-tante sur les lettres envoyées à son mari. Les photos sépias achetées en brocante. Les mots incongrus. Les mots inusités comme impéritie ou rodomontade. Les reprises calmes de morceaux rock ou pop. Les tombes des soldats morts trop jeunes dont j’aime lire les dates de naissance et de morts. Mon chat qui a des airs de loutre. Une Kasteel rouge bien servie. Les crépitations d’un vinyle. Les textes surréalistes de mon père. Les musées emplis d’un silence respectueux. La morbidité. Les orgasmes puissants. Une assiette bien dressée. Les animaux qu’on trouve moches mais que moi j’adore. Les textes de mon amour de Schopenhauer. Un joli caillou ramassé dans la rue. Une balade en forêt sous la pluie. Les chansons de Leonard Cohen.

CHOSES QUI ONT UN ASPECT SALE

Ces abjections d’œufs de mites qui me terrorisent. Polanski. Les rats qui courent au milieu des rails gare du Midi. Les cadavres de renards sur l’autoroute. Les vestes en fourrure pleine  d’empuantissement. Le mot « tournante » que je n’arrive décidément pas à utiliser. Les chats sans poil, y a rien à faire, je ne peux pas. Les traces collantes sur les tables dans les cafés. Les toilettes sans planches. Les limaces. Les amas de cheveux sur les brosses et les peignes. Les déchets et les mégots de cigarettes par terre dans la rue. Le vomi parce que ça me fait tomber dans les pommes, même le mien. Mes crises d’hyperphagie quand j’ai un trop plein de dépression . Les miasmes blancs sur la langue, le matin. Les éviers crasseux. Le gel gluant des électroencéphalogrammes. 

CHOSES DÉSOLANTES

Les vestes sans poches intérieurs. Le racisme systémique. Les gens qui disent « je ne peux pas être raciste, j’ai un·e ami·e noir·e. Les personnes qui remettent systématiquement les paroles des victimes en doute. La photo du corps mort de son petit frère que ma grand-mère garde dans le tiroir de sa table de couture. L’ignorance volontaire. Les antivaxx. Ma propension à oublier de me préserver. Les hommes cis hétéro blancs qui veulent remplacer « féminisme » par « humanisme ». Quand j’ai un mot sur le bout de la langue du cerveau et que je n’arrive pas à le retrouver. L’industrie de la fast fashion. Les pseudo-féministes anti-travailleur·se·s du sexe. Les TERFS, comme Antojo a dit, on devrait les rebaptiser « Feminism Appropriative Reactionary Transphobes: « F. A. R. T. s ». Les répétitions des pires moments de l’histoire.

CHOSES QUI FONT BATTRE LE CŒUR

Les coups de foudre décharges électriques que me provoquent parfois Hadès. Le craquèlement de la voix de Johnny Cash. Le son du violon. Un bébé qui dévore mon visage de ses yeux. Quand mon père dit « mort aux vaches, vive l’anarchie » en passant à côté d’un policier. Passer mes mains dans les cheveux bouclés de mon Hadès. Les tableaux d’Otto Dix. Penser croiser Philippe dans la rue. Les cartes postales surprises dans la boite aux lettres. Un bain trop chaud mais tellement agréable. Rencontrer F. pour la première fois. Quand S. m’a dit dans sa cuisine que notre premier baiser avait été fort agréable. Les bons romans. La pièce de théâtre « L’Herbe de l’oubli ». Les mots d’amouritié de ma famille choisie. Lire des vieilles lettres reçues au fil des années. L. qui me dit que j’ai des airs de Christelle Cornil quand je joue sur scène. Les compliments sur mes écrits. Réussir un casting. Faire rire André Dussolier sur le tournage de « Cellule de crise » avec ma blague débile. Me réveiller le matin après avoir posté un statut engagé la veille et être terrorisé·e d’ouvrir Facebook. Le film « Burn Burn Burn ». Les excuses de S., 10 après m’avoir harcelé·e pratiquement tous les jours pendant 1 an. Apprécier mon corps sur une photo. La chanson « Wicked Game ». Quand Hadès dort à côté de moi éveillé·e, la main posée sur ma jambe, comme un petit chat. 

CHOSES QUI NE FONT QUE PASSER

 La sensation du vent sur ma peau. La gentillesse fulgurante de T. Les stories Instagram qui disparaissent après 24h. Quand mon père se livre sur le sien après un verre de trop. Le sommeil.  Ma mémoire à court terme, je devrais vraiment aller voir ma pote neuropsy. La fumée de cigarette. Mes crises de larmes toujours trop courtes. Les souvenirs de mon enfance qui restent impalpables. Les anniversaires. Mes envies de solitude. La douleur d’un tatouage. Mes phobies d’impulsion que j’essaye de contrôler. Ma peur de partager un texte ou un statut. Les blessures infligées. L’envie de mon chat d’entrer dans l’appartement. Le plaisir de pisser. L’énergie de ma motivation foudroyante, c’est vraiment pas juste. Les jours sans mélancolie. Les ruminations intérieures au moment de dormir. L’instant présent car le temps n’existe pas. La vie. 

CHOSES QUI DOIVENT ETRE COURTES

Les épidémies, surtout celles de conneries. La rancune: ne jamais aller se coucher fâcher. La nausée. La gueule de bois parce que je n’ai plus 20 ans et qu’un burger cracra n’y remédie plus. Ma colère face aux trolls sur Facebook. Les feux rouges. Les IRM et leurs « tchacatchacatchaca » accompagné de mon envie subite de bouger mon petit doigt, parce qu’évidemment, il faut que ça arrive à ce moment-là. Mes paralysies après mes crises d’épilepsie. Mon déverrouillage le matin pour me lever, foutu spondy. Ma peur de faire mon injection de biothérapie alors que je sais que ça dure deux secondes. Se démaquiller après une soirée trop arrosée. Les corrections avec Antidote, ça me gave. Les argumentations avec les couillons qui me cassent les gonades. La sensation de réalité que peut avoir un rêve traumatisant. Se connecter à Internet. Ma procrastination atermoyante. Mes hallucinations auditives et mes acouphènes. Les prises de sang, surtout quand je dois remplir huit tubes. La gorge serrée qui m’étrangle au moment de finir ce texte.

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