Eyana

– Eyana?

La jeune femme porte sur moi un regard qui semble manger le monde.

– Eyana?

– Oui. C’est mon nom. Eyana, c’est moi. C’est nous.

Il nous aura fallu plus de vingt années pour arriver à ce résultat. Cet être parfait contenant l’ADN de toute l’humanité. Nous avons été traité de fous car nous y avons ajouté quelques particularités végétales et animales mais Eyana est notre seule espoir à présent. Une belle preuve du génie génétique. J’ai du mal à laisser partir mon œuvre, comme un parent le matin d’une première rentrée scolaire.

– Damian? Tout est prêt.

Eva passe sa délicate frimousse par l’entrebâillement de la porte. Elle est la seule de notre projet à avoir un peu d’elle en Eyana et cela se voit dans les frisures blondes qui ensoleillent son visage. Je finis de boucler la combinaison de ma merveille ambulante. Toutes ces années de recherches, de larmes, de crises existentielles, d’envie d’abandonner, est en train de me glisser entre les doigts.

– Bon. Dernière répétition. Tu te rappelles exactement de ce que tu dois faire une fois sur Gaea?

– Envoyer le plus d’informations sur le biotope, analyser tous les éléments possibles, tester l’environnement atmosphérique…

– Tu n’oublies pas quelque chose?

Eva glisse une mèche d’Eyana à l’intérieur de son bonnet, dans un geste qui n’a rien de maternel. Enaya n’est qu’un ouvrage utile au sauvetage de l’humanité.

– Me reproduire si je sens que je fane.

– Bien. Il est temps d’y aller.

J’aide mon joyau à s’installer. J’ai envie de bercer mon berceau d’humanité.

– Au revoir

– Adieu

La capsule se ferme et s’élève pour s’installer dans les entrailles du vaisseau. Dans 7305 jours, d’autres scientifiques récolteront les données envoyées par Enaya. Je ne serais peut-être plus là. Je n’en bénéficierai pas. Il y avait quelque chose de déchirant et prémonitoire dans le dernier mot de ma création. Un frisson ébranle mon corps. Et si elle nous échappait?