Fin du monde

7h45 et je ne suis toujours pas prête pour cette fin du monde.

J’avais pourtant fait une liste. Mais je l’ai perdue. Le temps de me rappeler ce que j’y avais noté, j’aurais sûrement perdu une demi-journée. On n’a pas le luxe de fignoler quand la Terre va exploser. 

À l’annonce de l’ultimatum, il y a une triple montée des dons aux œuvres caritatives. Je ne comprends pas les gens. C’est quoi l’idée? Se racheter un bon karma avant d’être pulvérisé? 

Bon, j’exagère. Il n’y a pas que des personnes qui se sont découvertes subitement une âme de bon samaritain. Vous seriez étonnés de voir le nombre d’individus qui en qui veille et sommeille un survivaliste averti et aguerri. 

7h47. Il me reste exactement 2 heures et 16 minutes pour au moins faire le plus important.

Dans le garage, mon vieux tacot m’observe de toute sa dignité sous la poussière qui le recouvre. Rien que de le regarder, je sens mes allergies me prendre au nez. Au moins, ça me donnera l’illusion de pleurer sur mon sort.

Je démarre. L’autoradio crachote des infos plus si utiles que ça, à moins d’un revirement de l’astéroïde qui va venir se confronter à la planète. J’enfourne une cassette dans le lecteur. Johnny Cash me chantonne de sa voix éraillée qu’aucune tombe ne saurait retenir son corps. Il a raison. Il n’y aura bientôt plus de cimetière de toute façon. 

J’ai le choix entre prendre la route nationale ou les petits chemins de campagne. Dans les deux cas, je ne suis pas sûre d’avoir une route dégagée.

J’aurais peut-être dû faire un don à une association quelconque, finalement. Je n’ai jamais très bien compris comment fonctionne cette histoire de karma.

Je m’étonne du flegme avec lequel j’ai pris la nouvelle. je ne suis même pas britannique.

Je me suis juste dit que ça allait être compliqué de finir les 40 choses que je voulais faire avant mes 40 ans. J’ai raccourci la liste à l’essentiel. Fichu papier. Si ça se trouve, je l’ai jeté en pensant que c’était une vieille liste de courses. Moi et ma manie d’utiliser n’importe quelle vieille enveloppe pour noter les choses importantes…

Je devrais peut-être arrêter de me flageller alors qu’on va tous mourir à 10h03. Penser positif. Essayer. Un peu. Si mon cerveau me laisse le choix.

Je baille en regardant le tableau de bord. 8h34. L’heure de mon dernier bâillement avant la fin du monde? 

J’ai encore une bonne trotter avant d’arriver à destination. J’ai pris l’option chemin de campagne. C’est plus joli dans les embouteillages. Les gens klaxonnent à tout va. Vision champêtre et pollution sonore.

Quelle idiote, je n’ai pas pensé à regarder la jauge d’essence avant de partir. Coup d’oeil rapide. je devrais pouvoir tenir le coup, si la route se désengorge un peu. Je rejoins la cacophonie ambiante. J’avais jamais utilisé un klaxon avant.

9h31. Paniquer. Ne pas paniquer. Je n’ai pas envie de finir ma vie sur une crise d’angoisse. Je m’enfonce sur une petite route ombragée d’arbres. j’accelère, comme mon coeur. J’ai envie de ralentir mais j’ai pas le temps. Il faut qu’il sache. Ma voiture cahote et s’arrête. Je fais les derniers mètres en courant jusqu’à son porche. Je sonne en prenant une grande inspiration. J’attends en me retenant de défoncer la porte. Il ouvre.

— Ah, c’est toi?

— Bertie…Je suis enceinte.

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